Une dernière respiration

L’impensable est arrivé alors que je ne m’y attendais pas. C’est la vie, tout peut basculer en moins
d’une seconde, en un souffle, en une dernière respiration. Je ne réalise pas encore que je ne le reverrai plus physiquement, JAMAIS.

A la lecture du message de son départ, je crie, j’hurle. D’injustice, de douleur profonde, … pourquoi lui ? Un homme au cœur si généreux, un bosseur, un mari tendre et affectueux, un père exemplaire, un patron à l’écoute de son équipe, le meilleur des coiffeurs, le coup de ciseau toujours juste, le petit mot qui fait du bien mais aussi un ami… en bonne santé jusqu’à il y a 3 semaines. Une nuit sans dormir à ne pas comprendre pourquoi lui.

Avec le recul et surtout grâce au yoga, je comprends. J’accepte la mort et le message derrière.
En occident, la mort n’a pas sa place dans notre vie. La mort est un sujet de conversation interdit, les
funérailles souvent tristes. Nous vivons dans une société qui redoute de mourir. Cela engendre à son
tour la plupart de nos peurs, angoisses et bien d’autres maux.
Le monde d’aujourd’hui fait croire que nous ne mourrons jamais, que nous restons éternellement
jeunes. Nombreux sont ceux qui préfèrent se concentrer sur le matériel et le superficiel.

Je pense que nous vivons seulement sur la surface, à moitié vivants. Le yoga me fait prendre
conscience que nous passons à côté de l’essence de la vie, se trouvant beaucoup plus profondément
en nous. En fait, réaliser que la mort fait partie de la vie rend la vie si précieuse. Mais c’est
évidemment plus facile à écrire et moins à vivre.
Pourtant ce sont les cycles naturels de la vie, comme le cycle des saisons, des lunes et en tant que
femmes, de notre propre cycle féminin.
Le yoga va encore plus loin : les gens doivent rechercher l’union à l’intérieur. Le corps, l’esprit et
l’âme se réunissent.
Les yogis font un travail intérieur profond afin de se connaître et de rencontrer
leur âme. L’esprit est ce qui relie le corps (le monde matériel) à l’âme (le moi supérieur qui ne meurt
jamais).

Michel Ange et Adam

J’ai découvert hier un extrait de BKS Iyengar qui a utilisé la peinture de Michel-Ange pour illustrer
cette notion. La main d’Adam (le monde matériel) tend la main vers la main de Dieu (le soi supérieur). Le petit espace entre leurs doigts où ils se connectent parfois et créent des étincelles magiques, représente l’esprit (conscience).
Le yoga est cette incroyable philosophie de vie, de joie, de vitalité et même du vivant. Pourtant, en
filigrane, la mort y est dissimulée partout. En effet, que ce soit dans le rapport à la respiration, dans
la vision du monde, dans le but ultime du yoga et même jusque dans les asanas avec « savasana », la
posture dite du cadavre, la mort est inextricable du chemin yogique.

Le rapport du yoga à la mort se trouve dans la façon de mesurer la vie qui s’écoule. Si nous avons pour habitude de compter la vie en années (et même de célébrer une année supplémentaire par un anniversaire), les yogis, pour leur part, comptent la vie en nombre de respirations. En effet, le yoga considère que chaque être vivant paraît en ce monde avec un capital fixe de respirations. Une fois ce capital épuisé, il rend sa dernière respiration et meurt.
Aussi, la vie et la mort sont intimement liées au souffle, à la respiration, centre de l’énergie
vitale que l’on nomme « prana ». Compter la vie en nombre de respirations cad que plus je conserve mon souffle, plus j’allonge mon espérance de vie.
Il est certain qu’il n’y a en ce monde rien de certain si ce n’est la certitude selon laquelle tout être qui existe est, un jour, destiné à mourir. La vie implique la mort. Alors depuis peu, j’ai une profonde et inépuisable joie de vivre. Je sais que c’est aussi ce qu’il appréciait chez moi. Sauf que là, je ne me sens pas encore prête à danser en courant; le temps m’aidera à dissiper ce départ.

Pour le yogi, l’âme (ou le Soi, ou Atman) est éternelle. L’âme ne naît pas et, par conséquent, ne
peut pas mourir. L’âme, elle, est immortelle.

En conclusion, chacun, chacune expérimente à sa façon le départ d’un proche. Et aussi à chacun le droit de penser ce que le défunt devient, où il va ou pas. L’essentiel est de ne jamais perdre le goût de la vie jusqu’à la dernière respiration.

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